Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
chroniques-et-caetera.over-blog.com

Fiches de lectures et chroniques azimutées...des histoires de livres !

Le coeur blanc - Catherine Poulain

Oh Ginger
La montagne vacille
Oh Ginger
Allons-nous-en d'ici
Cours enfin
Cours, allez, vas-y
[…]

Ginger – Feu ! Chatterton

 

 

 

Rosalinde, Mounia, le Parisien, Thomas, Paupières de Plomb, Le Gitan, Acacio, Césario… Des noms frappés comme des coups sur la peau tannée des ouvriers agricoles dans les champs de Provence.

 

Rosalinde, Rosa, le cœur blanc qu’aucune tâche ne souille.

Rosalinde, brebis égarée dans la troupe transhumante et compacte des saisonniers, Rosalinde aux cheveux roux et à la peau si pâle, libre de ses désirs, libre de dire non, parfois. Libre de ne pas voir ce que son sillage allume dans les yeux des mâles de la meute regroupés le soir dans les cafés comme des estives saoules, libre de s’esquiver quand son corps pourtant si menu enflamme les coeurs usés et ivres, libre de céder aux caresses de l’eau, aux assauts des orages d’été, aux frémissements des feuilles.

Cette liberté, si chère, tous ce peuple nomade, la revendique. Et en paye le prix.

Celui, de l’alcool ou de la drogue, que leurs maigres salaires engloutit.

Celui de la dignité, qui les parque à la lisière des villages qui les emploient, marginaux sur les terres fertiles dont ils ne goûtent que les fruits déclassés.

Tous rêvent d’évasion, de cet « ailleurs » qui les affranchira, ils en sont persuadés, de cet esclavagisme nomade.

Mounia, comme Rosalinde et comme tous les autres, poursuit sa quête, dans le troupeau désassorti des déracinés.

Mounia la brune, rebaptisée Moon, Mounia gorgée de soleil, lumineuse, flamboyante, croit encore en une possible émancipation de l’autre côté de la mer - transhumance : de trans (de l’autre côté) et humus (la terre, le pays) -, au-delà des montagnes aux parois rugueuses, par-dessus les ravins et les stigmates qui saignent la nature aride autant que généreuse.

« Le cœur blanc » raconte les histoires de Rosalinde, de Mounia, de tout ceux que la société mal-nourrit et enivre, de cette fuite sur les drailles trop balisées qui font prendre la précarité pour la liberté, et la fin de la cueillette pour un eldorado.

« Le cœur blanc » c'est celui qui bat dans chaque pierre des chemins foulés par cette troupe hétéroclite, sous le joug de nouveaux Panurge, de champs de lavandes en cueillettes d’abricots, promis à un destin beaucoup moins lumineux que celui auquel ils aspirent.

« Le cœur blanc » c'est l’omniprésence des éléments, l’équilibre inébranlable de la nature, toujours victorieuse des limites qu’on lui impose.

La nature en majesté :  minérale, brûlante, animale.

« Le cœur blanc » c'est un récit compact, où les dialogues et les réflexions s’invitent sans crier gare dans le corps du texte, bruts, naturellement.

« Le cœur blanc » c'est la « ghostnote », dans le rythme effréné des saisons qui se suivent et se ressemblent, des cœurs qui s’affolent et des corps qui s’épuisent à la tâche, des gestes répétés et des erreurs réitérées. C’est la note transparente et éthérée, indispensable, qui vient souligner sans l’alourdir la cadence et donne un écho presque inaudible aux pulsations métronomiques de la course contre l’inéluctable.  

 

Ginger (phonét. : jinjƏr) : adjectif = roux

Le coeur blanc - Catherine Poulain
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article