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Fiches de lectures et chroniques azimutées...des histoires de livres !

Les lisières- Olivier Adam

Les lisières- Olivier Adam

C’était le 10 juin 2018, c’était « Livr’à Vannes », il faisait beau par intermittence et dans le parc du château s’élevait le barnum du salon où l’on se confinait avec plaisir…Où il n’était pas question de distanciation, sauf peut-être pour éviter la file d’attente qui s’étendait dans les allées pour la dédicace d’une autrice en vogue ou d’un type dont j’ai oublié le nom mais qui vendait sa vie en bouquin et qui depuis est en prison…

Il y avait aussi plein de gars et de filles cools avec lesquels on n’avait pas envie d’être trop distants. J’avais bu un café avec Gilles Marchand et fait rigoler Colum Mc Cann, autant dire que ça valait le déplacement à plus d’un kilomètre de mon domicile !

Et il y avait Olivier Adam. Le genre de gars qui semble aussi à l’aise dans un salon du livre que moi dans la queue du supermarché en pleine pandémie mondiale…

Outre le fait qu’il voisinait avec un auteur assez disert sur le séant d’une fille au prénom de fleur d’été, il semblait avoir bien anticipé le principe du « geste barrière », retranché derrière des piles de livres et absorbé par une lecture que la proximité de la porte ne paraissait pas incommoder.

Olivier Adam, c’est le genre « taiseux-ténébreux » qui ferait passer son homonyme Kersauzon pour un joyeux drille.

Un breton, quoi.

D’ailleurs je ne saurais même pas dire s’il était près de l’entrée ou de la sortie du salon, c’est dire s’il était « à la limite », question d’appréciation (ou de sens de circulation…)

Je me souvenais avoir beaucoup aimé « La renverse » .

Depuis j’ai lu « Une partie de badminton ».

Entre temps, il y a eu ce salon où j’ai croisé Olivier Adam , à qui j’ai demandé un petit mot sur mon exemplaire fraîchement acquis de « Les lisières » avec l’impression de le déranger quand même un peu.

Comme il est, même assis, assez balèze, je me suis abstenue de toute embrassade, et je lui ai sûrement bredouillé une ineptie sur son travail qu’il n’a pas relevée parce qu’il est bien élevé.

Tellement qu’il a fini par « Fraternellement ».

Sa dédicace parlait de vies périphériques, de banlieues finistères… toujours en marge… à l’orée… aux confins…et juste avant de signer, il y a ce « fraternellement », un brin incongru de la part de ce charmant bourru qui a dû retourner à sa lecture quasiment au moment où je l’ai remercié, presque la bouche dans mon coude pour ne pas risquer de polluer son isolement…

Et donc, fraternellement, parce que je n’avais pas été très tendre avec sa partie de badminton, et aussi parce que j’ai une PAL suffisamment fournie pour plusieurs quarantaines, j’ai commencé « Les lisières ».

Dans la catégorie des handicapés du bonheur, je demande…Paul Steiner ! (C’est le personnage principal du livre).

Jamais content sans être tout à fait carrément méchant, mal-aimé, mal compris, mis à mal, mal léché…Paul Steiner voudrait plutôt être le mâle aimé par sa femme qui l’a quitté, le mâle compris -quoique- par une société qu’il observe depuis son appartement de bord de mer ou qu’il fréquente souvent contre son gré. Paul Steiner on se moquerait bien un peu de lui, fraternellement, en lui chantant du Cloclo « mal aimé, je suis le mal aimé… ».

Ce serait la version Caliméro du gars qui a tout pour être heureux, comme ça. On lui dirait presque que l’exil a souvent des nuances moins diaprées que la Manche au coucher du soleil, que de façon générale, la solitude a un goût plus amer qu’un whisky irlandais et que la routine serait plus agréable pour beaucoup si elle devait se résumer à écrire des romans et corriger des scénarios.

Après tout, s’il n’aime pas ça qu’il n’en dégoûte pas les autres !

Et pourtant. Aussi agaçant, rabat-joie, insupportable, déprimant soit-il, Paul Steiner, réussit à nous faire prendre ses désirs pour des réalités ! Et c’est tout le paradoxe de ce livre !

Pendant le premier tiers, je me suis dit « mais qu’il est chiant ce Paul ! », cherchant dans chaque diatribe, logorrhée, discours, prise de position, un prétexte pour le trouver encore plus détestable qu’il ne l’est. Et comme tout excède Paul, la tâche est finalement très (trop ?) simple.

Allez hop, chacun a ses problèmes mon bon monsieur, il me semble que la misère…etc.

Sauf que…Olivier Adam, les problèmes, il sait les (d)écrire. L’intime, c’est son truc. Ca ne modifie pas les différences de perspectives ni les façons d’appréhender son monde, le nôtre encore moins, ça ne rend pas Paul Steiner plus aimable ni son mal-être moins …urticant…mais il faut bien avouer que les mots sonnent souvent juste, les sentiments poussés dans leurs retranchements, les sensations exacerbées finissent par nous laisser percevoir le parfum tourbé d’un Islay ou le jeu du soleil dans les feuilles des arbres avec un peu plus de…compassion.

Olivier Adam nous soumet à la tentation. Celle de trouver derrière un Paul Steiner, crispant, pétri d’intentions plus ou moins louables et de combats parfois proches des lieux communs, derrière les clichés et quelques poncifs, quelques résonnances.

Paul Steiner est fatiguant, mais, fraternellement, on finit par lui trouver des excuses.

Olivier Adam est désabusé, mais, à la limite, on ne peut pas lui en vouloir, si ?

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